Le confinement mis en place début mars en France pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 a accéléré la pratique du télétravail dans les entreprises et les administrations. Le décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 vient préciser la mise en œuvre de cette option qu’est le télétravail dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Forcés d’étendre l’accès au télétravail, les organismes publics s’organisent aujourd’hui en s’appuyant notamment sur cette réglementation récente adoptée autour du télétravail occasionnel.

 

Etat des lieux du télétravail

Le télétravail est défini comme étant une activité professionnelle effectuée en tout ou en partie à distance des locaux de l’employeur. Il est souvent opposé au travail sur site, c’est-à-dire à la présence physique de l’employé au sein des locaux de l’employeur.

Il peut se pratiquer au domicile de l’agent ou dans des locaux professionnels distincts de ceux de son employeur public et de son lieu d’affectation, comme par exemple des télécentres ou espaces de « co-working ».

Le télétravail repose sur le volontariat, cette modalité d’organisation du travail étant demandée par l’agent et ne pouvant pas lui être imposée par son employeur.

 L’autorisation accordée à l’agent d’exercer ses activités en télétravail était, jusqu’à présent, valable pour un an maximum, renouvelable par décision expresse. Cette autorisation est réversible, c’est-à-dire qu’il peut être mis fin au télétravail, à tout moment et par écrit, et ce à l’initiative de l’administration ou de l’agent, moyennant un délai de prévenance.

Enfin, le télétravail respecte le principe d’égalité de traitement : les agents en télétravail et les agents exerçant leurs activités sur site ont les mêmes droits et obligations.

La fonction publique a intégré cette notion de télétravail depuis le début des années 2010. En effet, le télétravail dans la fonction publique a été introduit par l’article 133 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « Loi Sauvadet ».

Avec la publication du décret du 11 février 2016, les fonctionnaires pouvaient avoir recours au télétravail, sous conditions. Ainsi, selon ce texte, le télétravail devait être régulier et mis en place dans le cadre d’une autorisation, dont la durée était d’un an au maximum. Il devait également porter sur des jours fixes. Par ailleurs, s’il télétravaillait, l’agent de la fonction publique devait être présent sur son lieu de travail deux jours par semaine au moins. Le plafond était donc fixé à trois jours de télétravail par semaine.

 

Le renouveau du télétravail

Le 30 janvier 2020, le conseil commun de la fonction publique a publié un projet de décret qui fait évoluer les conditions et les modalités de mise en œuvre du télétravail dans les trois versants de la fonction publique (territoriale, hospitalière et d’Etat) et la magistrature. 

Ce projet a donné lieu au décret n° 2020-524 du 5 mai 2020, qui modifie le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature. Le nouveau décret ouvre plus largement les lieux à partir desquels un agent pourrait télétravailler : à son domicile, dans un autre lieu privé, ou dans tout lieu à usage professionnel. Il permet également de cumuler la mise en œuvre de différentes modalités de télétravail avec une limite de présence minimale sur site : l’autorisation de télétravail n’a donc plus obligatoirement une durée limitée à un an et ne fixe plus forcément les jours d’exercice. En effet, le décret créé une possibilité d’attribution d’un volume de « jours flottants de télétravail » par semaine, par mois ou par an, dont l’agent peut demander l’utilisation à l’autorité responsable de la gestion de ses congés. 

Un même agent peut donc cumuler jours fixes et jours flottants. En cas de jours flottants ou de situation exceptionnelle, l’administration peut également autoriser l’utilisation du matériel informatique personnel de l’agent. 

Dans le cas des agents en situation de handicap, l’administration devra mettre en œuvre, sur le lieu de télétravail, les aménagements de poste nécessaires, « sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées ».

Désormais, les employeurs publics auront l’obligation de répondre à une demande de télétravail dans un délai d’un mois. Et, en cas de refus de télétravail, tous les fonctionnaires pourraient saisir deux instances de dialogue sociale : la commission administrative paritaire ou la commission consultative paritaire. La dérogation concernant, après avis du médecin du travail, les agents dont l’état de santé, la grossesse ou le handicap le justifient est maintenue. Une seconde est ajoutée en cas de « situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur site. » À noter, enfin, que pour les cadres hospitaliers dépendant du Centre national de gestion, l’autorisation de télétravail est accordée, selon les cas, par le chef d’établissement, le préfet ou le directeur général de l’agence régionale de santé.

 

Le confinement et la situation exceptionnelle liée à l’épidémie du COVD-19 ont entrainé un recours accru au télétravail, aussi bien au sein des entreprises que pour la fonction publique. Il sera intéressant d’étudier la réelle évolution du recours au télétravail sur le long-terme dans la fonction publique. En effet, peut-être assistons-nous aujourd’hui à un renouveau de notre rapport au travail, qui trouve justement son fondement dans la nécessité de repenser le télétravail comme étant un nouvel outil indispensable. L’assouplissement de son régime pour les fonctionnaires, dans un premier temps afin de gérer la crise sanitaire actuelle, en est d’ailleurs la preuve. 

Ce nouvel aspect du travail, encore peu utilisé il y a quelques années en France, pourra par la suite être analysé dans ses conséquences économiques, psychologiques et sociales.  

Nina Perruchet

Références