Que mangerons-nous demain ? Cette question, anodine en apparence, qui relève de nos comportements individuels et de nos pratiques culturelles, en appelle une autre, plus vertigineuse. Comment parviendrons-nous à nourrir près de 10 milliards d’individus, au mitan du siècle, alors que s’épuisent les ressources naturelles et que s’intensifie le réchauffement climatique ?

UNE INDUSTRIE ALIMENTAIRE TROP POLLUANTE

Aujourd’hui, l’impact environnemental de notre consommation est énorme. Pour nourrir quotidiennement 7 milliards de personnes, l’activité agroalimentaire produit 30% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Elle utilise également 70% de l’eau potable consommée sur la planète tous les ans, soit 1 800 milliards de mètres cubes d’eau. 

Un rapport du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), rendu public le jeudi 8 août 2019, alertait sur le danger environnemental qu’implique une telle production. « La croissance de la population mondiale et la consommation par habitant de denrées, d’aliments pour animaux, de fibres, de bois et d’énergie ont entraîné des taux sans précédent d’usage des terres et d’eau douce » y mettent en garde les expert.e.s du GIEC. 

La consommation de viande est particulièrement dans le viseur. En effet, elle comptabilise à elle seule 7 milliards de tonnes de CO2, et représente 78% des émissions de gaz à effet de serre du milieu agricole. La production de viande est également très consommatrice d’eau et de céréales… Qui induisent eux-mêmes des émissions de gaz à effet de serre pour être produits et acheminés. 

L’urgence est d’autant plus imminente que la production et la consommation d’aliments augmentent de concert avec la croissance démographique. Cette hausse de la population mondiale cache en réalité une immense divergence. Les modes de production et de consommation problématiques se concentrent majoritairement dans quelques pays riches et parmi les classes supérieures des pays émergents. Décarboner l’industrie alimentaire passe donc par un rééquilibrage mondial de la production.  

Face à ces défis, un changement radical de nos modes de production et de consommation s’impose. Pour réduire la pression sur les écosystèmes et résoudre le double problème de la sous-nutrition et de la malnutrition, la clé réside dans la diversification des ressources, et donc de notre alimentation. L’assiette de demain devrait faire une large place aux fruits, aux légumes et aux céréales complètes (elles fourniraient plus du tiers de l’apport calorique), alors qu’une portion congrue reviendrait à la viande et au poisson.

L’idée est de miser sur les spécificités locales plutôt que sur l’actuelle standardisation globale de l’agriculture. Aujourd’hui, l’humanité tire 75 % de son alimentation de douze plantes et de cinq espèces animales. Plus de 90 % des variétés cultivées ont disparu ces cent dernières années. Le retour à une alimentation traditionnelle s’impose désormais comme une solution efficace pour conjuguer respect de la planète et accès universel à la nourriture.

LE CHANGEMENT NÉCESSAIRE 

Végétaliser, décarboner, diversifier, réduire la viande… De nombreuses entreprises et start-up ont saisi ces enjeux et se sont armées d’ingéniosité pour penser les aliments de demain. Avec l’objectif d’obtenir une nourriture au rendement énergétique positif, sans altérer le goût et la qualité de celle-ci. 

Outre les insectes, très prometteurs, l’avenir réside donc sûrement dans les viandes et poissons de synthèse, les compléments alimentaires et peut-être les produits génétiquement modifiés. Il sera également sans doute possible de prolonger la durée de vie de certains aliments pour éviter les gaspillages. Ces techniques demandent encore à se perfectionner mais nul doute qu’elles feront partie de notre quotidien futur. 

Nécessaires, ces évolutions alimentaires font écho aux nouvelles exigences des consommateur.rice.s, de plus en plus sensibles à l’impact social et écologique de leurs choix culinaires. Le livre blanc 2020 de la FoodTech, un réseau qui regroupe toutes les initiatives innovantes en lien avec l’alimentation, met à l’honneur ces « consommateur.rice.s responsables », à la recherche de produits gustatifs, sains, mais aussi bons pour la planète. Il invite ainsi à considérer ces nouvelles formes d’alimentation comme une opportunité, non pas une contrainte.

De ce point de vue, le marché est déjà vaste : la France compte 340 000 végan.e.s, 1.3 million de végétarien.ne.s et 23 millions de flexitarien.ne.s. Un tiers des Françaises et Français a donc une pratique alimentaire consistant au moins à modérer sa consommation de viande, en privilégiant la qualité à la quantité. Le renouvellement de notre alimentation ne fait que commencer. 

Convaincue que le régime d’alimentation est un enjeu majeur des années à venir, Sciences Po Lille Junior Conseil s’est justement donnée pour objectif d’accompagner les acteurs du secteur dans leurs projets de veille et benchmarks de bonnes pratiques. Notre Junior-Entreprise peut s’appuyer sur l’expertise de ses étudiant.e.s du master « Boire, Manger, Vivre », dont la formation croise les approches des sciences sociales (droit, économie, histoire, sociologie…) et aborde l’alimentation comme un fait social général. Ils disposent ainsi des compétences nécessaires pour aider les organismes publics et entreprises à mieux appréhender les mutations en cours.

 

Christian Mouly, chargé éditorial chez Sciences Po Lille Junior Conseil