Malgré d’indéniables progrès, la ville et ses transports demeurent un terrain hostile pour les personnes en situation de handicap. Dès lors, la mise en œuvre de politiques locales de long-terme pour une ville inclusive s’impose.

DES PROGRÈS INSUFFISANTS

Le ressenti populaire ne trompe généralement pas. Ainsi, lorsque 67% des personnes en situation de handicap font état de difficultés « récurrentes » d’accessibilité lors de leurs déplacements, selon une enquête de l’Ifop pour APF France handicap, il est clair que la problématique est sérieuse. C’est d’abord la voirie qui concentre les critiques : étroitesse des trottoirs, hauteur des bateaux, omniprésence des voitures…  Près de trois répondant.e.s sur quatre se déclare insatisfait. Les transports en commun ne sont pas en reste (55% d’insatisfaits). Des résultats qui rendent compte d’un paysage urbain peu adapté aux besoins spécifiques des personnes invalides.

Pourtant, la France dispose d’un arsenal législatif et réglementaire robuste en matière d’inclusion des personnes handicapées. Il est étoffé en grande partie par la loi « égalité des droits et des chances » de 2005 qui formule alors l’exigence d’une totale accessibilité des transports et lieux publics à l’horizon 2015. Une illusion qui ne sera pas entretenue longtemps : de nouveaux délais ont été octroyés pour laisser davantage de temps aux collectivités locales.

C’est donc l’application concrète des dispositifs légaux qui est déficitaire. Dans la plupart des grandes villes françaises, les enquêtes convergent pour montrer que les personnes en situation de handicap sont largement sous-représentées parmi les usager.ère.s des transports et, lorsqu’elles s’en servent, elles sont contraintes de le faire aux heures creuses afin d’éviter la foule. Le constat est similaire pour l’ensemble des infrastructures publiques, scolaires en particulier. Aux difficultés inhérentes au handicap s’ajoutent ainsi les multiples obstacles de la ville.

UNE NÉCESSAIRE PRISE DE CONSCIENCE POLITIQUE

C’est aux instances de décision locales qu’il revient d’intégrer l’idéal d’inclusion aux politiques de la ville. D’ailleurs, certaines d’entre elles jouent le jeu et engrangent des résultats probants. C’est le cas de Grenoble, dont la politique est tournée en direction de cet objectif depuis 1978. Aujourd’hui, 68% des routes et trottoirs de la ville sont accessibles aux personnes handicapées ainsi que la grande majorité des transports publics. Tout l’inverse de Paris, reléguée au rang de mauvaise élève dans le domaine.

Ces performances à géométrie variable sont la preuve que l’enjeu décisif est celui de la volonté politique. Les villes ayant élaboré une stratégie de long-terme ambitieuse récoltent le fruit de leur travail, tandis que celles qui n’ont intégré la question qu’à la marge continuent de prendre du retard. Il reste que les personnes handicapées souffrent encore d’un manque de représentation politique préjudiciable pour la reconnaissance de leurs intérêts.

La prise de conscience politique passe également par la nécessité de repenser la problématique du handicap dans toute sa diversité et sa complexité. Dans l’imaginaire collectif, le handicap est souvent exclusivement associé à l’incapacité physique ou sensoriel. Pourtant, il concerne aussi plus d’un million de personnes affectées par des troubles mentaux ou cognitifs ; les grand.e.s oublié.e.s des politiques publiques.

De ce fait, l’accessibilité matérielle ne suffit pas. En effet, les personnes en situation de handicap handicapées mentales font face à des contraintes différentes : difficultés de compréhension et d’analyse, sensibilité accrue au stress et aux imprévus, manque de repères dans le temps et l’espace… Il convient donc de simplifier l’utilisation globale des infrastructures publiques. D’où l’importance d’adopter une signalétique claire, dans la rue et les transports, de sensibiliser les agents du service publics et de prévoir une assistance spécifique pour certaines démarches. 

Concrètement, certaines villes proposent des formations et initiations aux déplacements urbains. A l’image des « parcours découverte » à Lyon, une solution gratuite pour se familiariser avec le réseau de transport de la ville. Paris a également  lancé un dispositif prometteur, encadré par des professionnels, les “Ateliers Mobilité”. La prochaine étape, pour les politiques de la ville, consiste à imaginer un accompagnement pendant la durée du trajet pour les personnes les plus démunies.

Pour répondre à ces enjeux, Sciences Po Lille Junior Conseil se propose d’assister les acteurs publics dans leurs projets de modernisation du tissu urbain. Forte de son expertise dans les domaines de l’aménagement urbain, des transports, de la mobilité, et dotée d’un vivier d’étudiant.e.s en master “Gouvernance des territoires urbains”, notre Junior-Entreprise a les clés pour aider les pouvoir publics à construire la ville inclusive de demain.

 

Christian Mouly, chargé éditorial chez Sciences Po Lille Junior Conseil